COMPOSTAGE CULTUREL -
processus de transformation
des imaginaires collectifs
en terreau fertile |
afin que les petites folies
les crétineries en tout genre
s’épanouissent
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en cours…
PLING PLONG MEUH
UN JARDIN SONORE INTERACTIF
une installation qui convie les enfants et leurs parents
à une expérience sonore
cet espace interactif fourmille de surprises à toucher,
d’amplifications, d’instruments bricolés…
PLING PLONG MEUH cherche à créer un terrain propice à la découverte par les oreilles en partant de sons familiers et animaliers. Puis de les emmener vers quelque chose de surprenant, ludique et joyeux. Le public - découvrant cet univers - joue avec les objets proposés au rythme qui lui convient, accompagné et guidé par les artistes.
Entre écoute, découverte et participation, une bande son émerge collectivement.
imaginé par Émilie Bender (comédienne) et Gérald Wang (ingénieur du son)
une coproduction HORS CASES et La Bavette - Pôle jeune public (Monthey-VS)
SOUTENU PAR L’INITIATIVE La Purla et le Canton du Valais
dernière jolie folie *
RADIO CASTRUM 2021
une radio éphémère
une radio mise sur pied pour accompagner le Festival du Castrum 2021 (Yverdon-les-Bains/CH)
un projet un peu fou - auquel des gens encore plus fous que nous ont bien voulu participer
c’est toujours quitte ou double les expériences participatives
c’est comme la mayonnaise - ça prend ou ça ne prend pas
y a pas de milieu
c’est vrai
c’est entier
et cette fois, l’aventure a joyeusement battu ses œufs jusqu’à obtenir des blancs en neige en plein été !!
une radio qui a respiré à plein sourires pour le plus grand plaisir de vos oreilles
… QUOI ? rien entendu ? rien du tout ??
vous avez loupez ça ?
une fenêtre
de papier
LE RÉCIT SUBJECTIF D’UN ATELIER DE LECTURE
EN HÔPITAL PSYCHIATRIQUE
PUBLIÉ DANS ||||| Le Journal de Culture & Démocratie / 41 / avril 2016
DOSSIER |||||||||||| ce que la lecture cultive
Elk z’n huisje, elk z’n kruisje - gravure | © Petrus De Man
Un bâtiment de briques rouges s’élève tout au fond du site hospitalier : Le Mesnil (1). Entouré de gazon, il possède au premier étage une double-porte fermée à clé. Une clé bienveillante, une frontière rassurante entre le connu et l’inconnu. Il n’y a pas d’histoires de Barbe bleue derrière ces portes, ni de petits cochons qui tremblent à l’arrivée du loup. Non, la porte est simplement verrouillée. Un petit signe de la main à travers la vitre en guise de mot de passe suffit à ouvrir le sésame et derrière les battants, un nouvel espace-temps se déploie. Une zone extrêmement sonore et mouvementée composée de nombreuses petites bulles indépendantes. Parfois elles s’entrechoquent avec douceur, parfois avec un peu plus d’énergie, mais la plupart du temps elles voguent les unes à côté des autres. Là, un chanteur fait ses vocalises toute langue dehors, plus loin un coureur de fond s’entraîne à genoux, à quelques centimètres de mon nez une énorme peluche me stoppe par sa logorrhée onomatopesque.
Dans ce couloir aux odeurs d'hôpital, les résidents éphémères ont des allures de comédiens en plein échauffement. Tous récitent leur texte simultanément. Les mots se superposent, se chevauchent parfois. Une mécanique huilée qui cliquette, ronronne et maugrée sans s’écouter.
Mon rôle est de me glisser entre ces multiples individualités pour proposer des quarts d’heure de lecture vivante. « Pour ouvrir des portes dans notre service », disait l’équipe. La nostalgie d’une époque où elle avait encore le temps de s’asseoir avec les personnes hospitalisées et de lire flotte indéniablement dans ce sourire pensif.
« Maintenant, les actions sont calculées, chronométrées, rationnées. Il devient compliqué de trouver des instants de suspension pour l’ailleurs. »
Qu’à cela ne tienne, on va l’inviter dans l’ici cet ailleurs. Pour ce faire, on nous met à disposition une petite salle carrée avec une fenêtre. C’est important les fenêtres, elles permettent aux idées de s’envoler, d’aller chercher plus loin, de sortir de soi et d’amener
de la lumière.
Essentielle à la lecture, la lumière !
Le premier jour, le personnel soignant a diffusé des huiles essentielles dans « notre » local. Un accueil sensoriel qui ouvre déjà des portes. Cette odeur deviendra notre bibliothèque imaginaire pour les deux mois à venir.
Lire.
Mais comment amener des gens aux lettres quand on ne sait pas qui est analphabète et qui ne l’est pas ?
Qui a 3 ans et qui en a 52 ? Et puis, derrière chaque bulle, il y a une problématique différente qui ne se lit pas directement – blablablabla – mon cerveau tournicote. Me remontent alors en mémoire les histoires de Barbe bleue, de petits cochons, de
princesses et de loup terrifiant. Tous ces personnages ne s’évaporent pas, ils doivent être là, quelque part, nous avons tous été enfant... le voilà, notre alphabet !
Nous l’égrenons durant la première séance : « moi-personne » versus « moi et les personnages qui sommeillent quelque part dans mon corps ». Nous les déposons dans un livre d’images pour qu’ils vivent par eux-mêmes, qu’ils continuent leur chemin. Nous, nous reviendrons la semaine prochaine.
Par la suite, les séances commenceront toujours de la même manière. Un petit échauffement pour réveiller les personnages qui somnolent encore, se mettre à l’aise, enfiler nos habits invisibles qu’importe la saison et accorder nos diapasons qui battent à des rythmes différents. Vient ensuite le plongeon dans l’histoire autour d’un album choisi en amont. Afin de trouver la pépite d’évasion, j’épluche les sections jeunesse de nombreuses bibliothèques en quête de livres évocateurs d’une thématique sur laquelle nous pourrons broder nos points de vue.
Malgré tout, les premières séances me semblent laborieuses. Peu habituée à un public aussi « passif », je cherche le fil de notre communication. L’insatisfaction se glisse lentement entre mes pages.
Pourtant, au fil du vent égrainé par les éoliennes dans notre dos, quelque chose naît. Tout d’abord : leur envie de revenir. Chaque fois le même rituel, chaque rituel qui invente une histoire différente. Le livre s’ouvre, je le lis, on l’invente de plus en plus.
Parfois l’histoire est celle des mots collés sur la page, mais certains jours... elle nous emmène ailleurs. Elle raconte d’autres histoires. On invente des passages, on se demande ce que ressentent les personnages, on en ajoute même parfois. On utilise des gestes, des sons, des phrases, c’est selon.
La lecture devient théâtre.
La lecture est vivante.
Chacun raconte à sa manière. Qu’elle soit en chaise roulante avec des problèmes d’élocution, qu’il se focalise sur le flocon et sa fractale ou la consistance du ciel, qu’elle chante pour ponctuer les pages, qu’il regarde par la fenêtre en écoutant, qu’elle joue l’héroïne ou qu’il mime les gestes de sa voisine, chacun lit.
Au fur et à mesure des semaines, un langage se développe. Des refrains gestuels et sonores viennent ponctuer les histoires. Des ambiances différentes se créent selon le livre. On part vers des pays lointains, on en revient.
La petite salle carrée se transforme en radeau.
La lecture devient voyage.
La lecture est vivante.
Pourtant ce qui est le plus vivant, c’est l’après. Cette qualité du silence quand l’histoire se termine. Comme si pendant un instant, la mécanique huilée de l’extérieur s’arrêtait, étonnée de l’écoute qui reste en suspens. Oh ! ça ne dure jamais très longtemps...
Quelques fractions de seconde peut-être, tout juste le temps d’une respiration. Mais durant cette suspension les bulles disparaissent et une interaction existe vraiment : tout le monde est là. Qu’il soit patient, personnel ou de passage, chacun est présent. C’est dans cet interstice que se cultive la levure de l’imaginaire.
Dans ce silence collectif que s’est ouvert notre ailleurs.
La magie de cet instant est fragile, elle ne vient pas à chaque fois et disparaît presque instantanément.
Elle nourrit surtout une envie d’y revenir.
émilie bender
Leuze-en-Hainaut
Hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu
novembre 2015
(1)
Le Mesnil est un service de réhabilitation pour personnes présentant des affections psycho-organiques, avec séjour de moyen à plus long terme.
Suite à une nouvelle politique, il commence à accueillir également des personnes dites à « double-diagnostic », on entend par cette notion la coexistence d’une déficience intellectuelle avec un ou plusieurs diagnostics psychiatriques.